J’ai retrouvé mon rire.
Je ne me souviens pas à quel moment il s’est éteint.
Si ça a été progressif ou d’un seul coup.
Mais après ma séparation, il est revenu.
Je ne le connaissais pas.
Je m’écoutais rire comme si c’était quelqu’un d’autre.
J’avais oublié que je riais, que je savais rire.
Avant.
J’ai eu une prise de conscience lors d’un repas avec mes cousines.
J’avais organisé une journée familiale avec, bien entendu, l’accord de mon mari, je crois même que l’idée venait de lui ( c’est toujours mieux, je sais que je vais passer une bonne journée )
Et là, d’une façon naturelle, nous discutions entre nous, entre filles.
Les maris respectifs de mes cousines étaient présents ainsi que leurs enfants.
Et l’une d’elle parlait, riait, me racontait des anecdotes.
Et, chose étrange, ce que je remarquai c’est que son mari la laissait parler, il n’intervenait pas, il n’écoutait même pas ce qu’elle me racontait.
Ça paraît fou!
Elle était libre de me dire tout ce qu’elle avait envie.
On se sentait bien.
Jamais je n’avais remarqué que pour moi, c’était plus compliqué.
Cette liberté d’expression que je remarquai alors, accentuait encore mon interdiction, mon contrôle dans tout ce que j’exprimais.
Je ne m’en étais pas aperçue.
En fait, je contrôlais toutes mes paroles afin de ne pas froisser mon mari car je savais qu’il m’écoutait.
Il était capable de discuter avec quelqu’un et de m’écouter en même temps.
J’évitais donc tous les sujets tabous.
Il y en avait beaucoup : ma sœur interdit.
Mes parents interdit.
Certains amis interdit.
J’exprimais parfois le contraire de mes désirs car je savais que si je disais ce que je pensais, il prendrait le contrepied.
Chaque information lui servait d’élément pour étendre son pouvoir, c’était sa réserve de munitions.
Il s’en souvenait toujours et ressortait au moment opportun le détail pour me mettre à terre.
Un guerrier.
Avec une mémoire phénoménale, méthodique, froide, implacable .
Je pense qu’il aurait fait un excellent agent secret.
J’avais fini par ne plus rire car pour lui c’était une indication qui disait que j’allais bien.
SI JE RIAIS, IL ALLAIT S’ÉVERTUER DE M’EN FAIRE PASSER L’ENVIE.