Naissances

Il paraît que ma naissance s’est mal passée.

Il paraît car je ne m’en souviens pas.

L’accouchement a été tellement difficile que j’étais toute déformée.

Il paraît.

Je n’ai pas de photos, pas de films, juste mes parents et mes grands parents.

Difficile, voire violent.

Car la sage femme m’avait mis dans des langes et je ne pouvais plus bouger.

Les sages femmes emmaillotaient les bébés comme cela autrefois, j’étais tombée sur l’ancienne école.

Ma vie n’est pas simple et j’ai toujours cette impression que tout est trop difficile pour moi, que je ne parviendrai jamais à  faire quelque chose et au final je m’en sors très bien.

Je ne sais pas ce qui s’est passé avant ma naissance, c’est des choses qu’il serait intéressant de savoir.

Quand j’ai annoncé à mes parents que j’attendais un enfant ( on ne disait pas le mot enceinte), cela a provoqué de vives réactions.

C’est comme ci mes parents rejouaient une scène déjà vécue, où eux- mêmes étaient à ma place 20 ans auparavant.

Mais je voulais absolument ce bébé et rien n’aurait pu me faire changer d’avis.

Le fait de ne pas avoir de travail, le fait que mon choix s’était posé sur un ouvrier maghrébin ne m’effrayait pas non plus.

Je n’avais pas peur, j’avais une confiance absolue en la vie.

Je vais vous raconter une histoire que j’ai vécu lors d’un voyage.

J’étais partie visiter le Laos avec mon ami, et un autre couple, le frère de mon ami et sa femme.
Nous roulions dans un pick up ouvert sur une route non goudronnée un peu à l’aventure, nous nous arrêtons pour demander notre chemin dans un tout petit village.

On embarque un couple avec un bébé : mes amis sont très “je sauve toute la misère du monde”

Ils avaient emporté tout un tas de cochonneries et étaient heureux de les donner à des pauvres.

Dans le coffre ouvert de notre voiture au milieu des  bagages, entassée, la femme allaitait son petit.

La voiture patine, la route est en lacet, il y a de la pente et il commence à pleuvoir. Nous progressons péniblement.

Puis, on les dépose dans un lieu de nulle part et on continue notre route.

« Ça ne va pas passer “dis je on ferait mieux de faire demi tour.

Sourires entendus de mes compagnons et on continue la route.

Il y a de la boue, la route est en dévers, un précipice la borde. 

Nous continuons.

Des buffles traversent la route.

La voiture dérape

Nous sommes perchés au milieu de nulle part.

Pas de communication.

Pas de cartes.

Pas d’eau et pas de nourriture.

La voiture ne passe pas, nous descendons de la voiture, nous avions traversé un village sur notre route donc forcément nous allions tomber dessus dis je

Était- il loin?

Plus de repères,  le temps s’est arrêté.

Il fait nuit maintenant. 

Des lucioles nous accompagnent le long du chemin et me donnent du courage.

Des bruits que je ne connais pas.

On marche longtemps.

Ils veulent retourner dormir dans la voiture

“Non dis -je c’est trop dangereux, la voiture est instable, on continue.

On marche. Je ne cède pas, Je me rends compte de leur inconscience. 

On marche dans la nuit, heureusement mes amies, les petites lueurs nous guident.

Au loin de la lumière.

Nous approchons d’un village

Nous frappons à la première maison.

Une grande pièce éclairée.

Une famille nous accueille.

Leurs yeux noirs brillent.

On ne comprend rien, ils parlent leur langue et nous la nôtre.

Le petit garçon pleure.

Nous nous allongeons sur des nattes pour passer la nuit.

Des trombes d’eau s’abattent sur le toit de la maison.

La lumière reste éclairée.

Le lendemain, il ne pleut plus

Une bande de jeunes hommes nous accompagnent jusqu’à la voiture.

Je marche avec eux.

Ça ne passera pas nous fait comprendre l’un d’eux.

Il faut faire demi-tour.

C’est impossible.

On ne peut pas manœuvrer.

Mon coeur se serre.

Suis -je la seule à comprendre ce qui nous arrive.

J’ai peur

La forêt brille, toute neuve.

Le temps s’est arrêté, on démarre tout doucement en mettant des feuilles sous les roues, on progresse.

On va continuer, on n’a pas le choix, les hommes se mettent de part et d’autre de la voiture. Au bout d’un moment, ils doivent partir, ils négocient de l’argent.

On continue.

J’ai peur.

Mètre après mètre, on progresse, la moindre erreur et on tombe dans le précipice. D’ailleurs, il m’a bien semblé  voir une voiture tout en bas.

Je n’ai pas peur de mourir mais d’être blessée et que personne ne vienne à mon secours. Les filles , on est accrochées  sur les cales du pare choc arrière  de la voiture, si on déverse on saute, les garçons sont dedans.

On croise un homme qui vient vers nous en mobylette.

Victoire, il est passé.

La route redescend enfin.

Au loin, j’aperçois une rivière qui scintille, puis une maison, un village et enfin une vraie route.

On est passé.

Je suis soulagée.

On est couvert de boue.

Quel beau pays étrange !

Quand j’étais allongée sur la natte, j’ai eu une drôle de pensée, c’était comme si j’étais dans le ventre de ma mère et que même si le chemin était périlleux, je n’avais pas le choix, il n’y avait qu’un passage, sans retour possible.

Dans cette histoire, on ne pouvait pas faire demi tour, il fallait avancer

c’est aussi ce que j’ai vécu avec ma séparation ;  à un moment, il n’y a pas de retour possible et même si c’est difficile, on est obligé d’avancer.

Je vais aussi vous raconter la naissance de mes jumeaux.

Ils étaient prévus pour le 1er avril.

Ils sont nés 5 semaines avant.

Mon ex m’avait poussé lors d’une dispute car j’avais vu ma sœur et que c’était interdit.

La jumelle a vu le jour la première ; tout s’est bien passé.

Pour le deuxième, ça a été plus compliqué,  d’abord j’étais fatiguée.

Il n’arrivait pas à sortir et à un moment, j’ai vu le médecin prendre un objet que, par la suite, je reconnus comme des forceps.

Moi, je suis née avec les forceps et là,  je ne sais pas ce qui s’est passé.

Je suis allée chercher une force, une aide d’on ne sait où. Le médecin n’a pas eu besoin de s’en servir et mon fils est né.

Dans ces moments-là, ce n’est plus le cerveau qui commande, il laisse la place à quelque chose de beaucoup plus intelligent,  je ne saurais l’expliquer avec des mots mais c’est une force au-delà de nous.

Vous aussi, vous avez le pouvoir d’aller chercher cette force au dessus de vous qui vous aidera à progresser dans votre vie.

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